27 novembre 2008
Ode funèbre
Il y a quelques temps, j'ai perdu un être cher, ma grand-mère.
Mon père m'a alors demandé d'écrire quelque chose et de le dire, dans l'église, en hommage, au nom de toute la famille.
Dans la nuit, j'ai écrit le texte qui suit. J'ai été ému. J'ai souri parfois.
Le texte a été dit lors de la cérémonie, je n'ai pas flanché. Même si j'ai failli. En fait, je lui ai parlé avec cette intime conviction qu'un jour, nous nous retrouverons, le plus tard possible j'espère.
"Je voulais signifier ces dernières pensées furtives, pour une dernière fois puisque nos chemins dans quelques temps, n'auront plus à se croiser ici, une fois que ton nom sera bien plus qu’un souvenir nouveau puis ancien, que nos appels n’aboutiront plus et que nos idées se seront noyées dans la mélancolie d’une nuit noire, silencieuse et profonde, comme un sommeil involontaire.
Tu te sens alors définitivement libéré d'un poids que tu ne veux plus, que tu ne peux plus gérer. La vie cesse.
Ta vie a cessé mais quelque chose se passe aujourd’hui, chacun de nous le sent, le ressent. Rien ne sera plus comme avant.
Je voulais simplement écrire qu'au plus profond de moi, de mon âme et de mon cœur, quoi que nous nous soyons dits, quoique nous ayons fait, tous, avec tous les défauts que l’on peut avoir, et toutes les qualités aussi, qui ne peuvent faire qu'un seul toi, ou qu’un seul moi, mais pas qu’un seul nous, chacun garde son souvenir aussi pur, aussi fort et aussi intense, pour l'ensemble de ta vie.
Je suis parfaitement conscient du temps qui passe, je sais aussi qu'il ne me sera jamais possible de revivre ce que j'ai vécu. Et tu sais aussi qu’il ne sera plus possible de revivre ce que tu as vécu.
Les choses, les événements pouvaient te sembler parfois difficiles à comprendre ou à atteindre pour un être à la fois simple et complexe. Le chemin continuait à se tracer au fil d’un temps que tu ne maîtrisais pas mais qu’il te plaisait de parcourir, par ses chaos, ses lignes droites, ses murs. Le tout était donc d’essayer de poursuivre un chemin avec le plus de plaisir possible et avec des événements qui feraient que, à la fin de ce périple, il serait bon de dire : « c’était bon, c’était bien ! ». Sur ce chemin, il existait des nœuds un peu comme des carrefours, sur lesquels il pouvait t’arriver de t’arrêter ou de croiser d’autres âmes, d’autres corps, d’autres objets aussi, mais toujours avec un intérêt à chaque fois particulier. Tu étais toujours en quête de cet instant particulier, ce qui pourrait t’étonner, avec ton caractère, te surprendre ou te prendre, dans le respect, toujours et encore, de l’autre, âme vivante ou objet sans vie.
Les différents plaisirs qui pouvaient s’offrir à toi devaient être considérés comme des moments privilégiés, pour une personne grandissant, dans la plénitude et le bonheur d’une vie somme toute tumultueuse mais ô combien riche et intense.
Comme le roseau, les vents t’ont été moins redoutables que ceux qui pouvaient souffler sur un chêne. Tu plis mais ne rompts pas. Tu avais jusqu’ici contre leurs coups redoutables, résisté sans courber le dos.
Ce dernier jour où je t’ai vu , avant que je ne te quitte, nous n’étions plus que tous les deux, je voulais te dire quelque chose au creux de ton oreille.
Je voulais te dire que je t’aimais, et je le dis ici aujourd’hui pour ceux qui n’ont pas pu te le formuler mais qui le pensent.
J’ai repris ta main une dernière fois, et tu me l’as serrée très fort.
Et tes yeux se sont accrochés à mon regard. Un peu comme si tu avais le vertige et que tu perdais l’équilibre, l’équilibre d’une vie longue et chargée d’émotions, de joie, de tristesse, de douleurs, de peine, de rire, de futilité, de simplicité, de richesses humaines, d’amour.
Tu as vécu avec rien. Et tu as donné, beaucoup.
Nous n’avons dit mots pendant quelques instants puis tu m’as dit : « j’ai peur »
Je t’ai fixé, j’ai approché ma bouche contre ton oreille, j’ai serré ta main et je t’ai dit : « n’aies pas peur, ce qui t’attend est beau, tu le mérites, et on t’aime, je t’aime. »
Je t’ai embrassé et ton regard m’a suivi. Tu m’as souri, tu as levé ta main pour me faire un signe d’au-revoir. C’était un adieu. Et je l’ai compris.
Voilà. Une page se tourne.
L’inspiration s’est évanouie et laisse place à une autre vie.
Si le véritable chagrin se porte en silence, le véritable bonheur ne doit se supporter en souffrance.
Il nous manquera toujours quelque chose pour que l’équilibre soit parfait. A force de trop vouloir, on perd tout. Et ainsi, les événements s’enchaînent et on s’interroge ou pas sur le fil d’un chemin qu’on souhaite maîtriser au mieux, à défaut d’en subir les tourments chaotiques ou les plaisirs enivrants.
Tu as toujours voulu que tes enfants, que ta famille, que tes amis soient ensemble, s’accordent, se respectent, s’aiment. Que nous soyons ensemble.
Et bien, regarde, nous sommes là. Et c’est toi qui nous regardes aujourd’hui.
Lorsque nous serons vieux
Et qu’ils seront partis
Assis au coin du feu
A écouter la pluie
Nous nous rappellerons
Des moments de la vie
Qui nous réchaufferons
En écoutant la pluie
Dans ta petite maison
Isolés dans les bois
Nous nous réchaufferons
Nous n’aurons jamais froid
Nous nous rappellerons
Ecoutant les grêlons
De l’automne des bois
Nous parlerons des fois
En écoutant la pluie
Nous nous tairons parfois
Laissant battre la vie
Mais pourquoi j’avais peur
D’un avenir lointain
Et de toutes ses heures
Où je prenais ta main
Lorsque j’étais moins vieux
En écoutant la pluie
J’imaginais souvent
Allongé dans mon lit
En écoutant le vent
Balayant mon esprit
Des souvenirs heureux
De l’enfant endormi
Et je rêvais souvent
Alors qu’on serait deux
Toi et moi dans le vent
De la vie bienheureux
Mais toi tu es parti
Me laissant sous la pluie
De chagrins et d’ennui
Qui fait mal à ma vie
Je n’imaginais pas
Qu’un jour je serai vieux
Que je serai sans toi
Assis au coin du feu
En écoutant la pluie
En ayant moins d’envie
L’enfant s’est endormi
Et fait mal à ma vie
C’est si difficile de vivre quelquefois, la mort nous semble d’une douceur infinie, un grand repos, une douce quiétude, le vide, le néant et puis plus rien.
Entre la vie et la mort, il n’y a qu’un pas, entre la tristesse et le bonheur, il y a une route infinie.
Que tu puisses trouver ailleurs ce que tu n’as pu trouver ici.
Nous resterons avec toi comme tu resteras avec nous, car si le corps n’est plus, l’âme, elle, reste.
Je finirais sur les paroles d’une des chansons que tu pouvais chanter, après « Mignonne, ma mignonne, vœux-tu venir avec moi … », tu aimais ceci :
La marchande émue, doucement lui dit,
"Emporte-les je te les donne"
Elle l'embrassa et l'enfant partit,
Tout rayonnant qu'on le pardonne
Puis à l'hôpital il vint en courant,
Pour offrir les fleurs à sa mère
Mais en le voyant, une infirmière,
Tout bas lui dit "Tu n'as plus de maman"
Et le gamin s'agenouillant dit,
Devant le petit lit blanc :
"C'est aujourd'hui dimanche, tiens ma jolie maman
Voici des roses blanches, toi qui les aimais tant
Et quand tu t'en iras, au grand jardin là-bas
Toutes ces roses blanches, tu les emporteras"
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