Jeff
Plusieurs mois se sont écoulés depuis mon dernier post, j'ai souvent eu l'envie d'écrire, remettant toujours au lendemain ce que je pouvais faire le jour-même. J'ai vécu des moments intenses, forts, qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Mais je ne parlerai pas ici de ces derniers mois,du moins, dans leur essence. Ce ne sont juste que quelques mots pour introduire mon discours actuel et les mots que je voulais écrire ce soir.
Fin d'année dernière, alors que j'étais dans un état d'esprit particulier, enclin à une nouvelle rencontre sérieuse avec l'envie de construire, après avoir décrit ici le jeu d'un coiffeur, faisant par la même occasion une infidélité ponctuelle à mon coiffeur en titre, je commençais une histoire profonde et passionnelle avec un garçon. Rencontre choc, imprévue, spontanée et très belle. Plongé dans quelque chose d'irrationnel, je me suis laissé emporter par les vagues, par le feu d'une certaine passion. Lui aussi. J'écris ici "passion", dans le sens le plus large du terme puisque cette passion s'est évanouie, par lui, il y a environ trois semaines. Nous étions allés très loin dans notre échange, notre construction. J'avais pris ma vie en main, croyant en l'avenir à deux, sûr de moi et de mes ressentis, réceptifs à ses requêtes et à ses nuances. Nous n'avons finalement pas avancé à la même vitesse et la césure a été inévitable, là encore, brutale, violente, douloureuse avec ce goût amer de l'échec, de l'envie d'abandon de soi.
Mais je me suis vite relevé, il le fallait, pour moi, pour nous. Pour vivre. Continuer. Avancer.
IL était encore trop présent pour que je puisse m'ouvrir à autre chose. J'ai donc repris mes anciennes habitudes, mes besoins de repères. Dont mon coiffeur, celui même à qui j'avais fait une infidélité. Nous correspondions trop bien pour que je puisse trop longtemps m'en éloigner. Quelque chose d'irrationnel encore se produisait. Un regard particulier. Un ressenti. Un autre toucher. Ses paroles. Son sourire. Et son regard qui ne me lâchait pas quand je m'éloignais du salon.
Car il m'avait fait comprendre qu'il espérait avoir une relation profonde et sincère, quelque chose d'un peu plus sérieux qu'une histoire éphémère, ce n'était d'ailleurs pas son genre, plusieurs fois nous en parlions et lui, connaissant ma vie personnelle et mon engagement d'amour, j'étais toujours clair, respectait cette vie, avec pureté, effacement et retenue.Mais dans ses déclarations, avec retenue, réserve et suffisamment d'assurance, il me faisait entendre que je serais bien celui avec qui il voulait s'engager, si les choses avaient été différentes. Il y avait cette complicité et cette communication non verbale , nul besoin de se dire les mots pour les ressentir.
Quand ma séparation a eu lieu, il l'a su très vite. Il était désolé. Il semblait vraiment l'être. Spontanément il m'a proposé de l'appeler, vite, pour qu'on parle, qu'on avance, que sans doute à deux, les choses sont plus faciles à accepter et pourquoi pas, l'avenir peut être beaucoup plus beau encore.
Je l'ai croisé la semaine dernière, il est sorti dans la rue pour me saluer, toujours sa main sur mon épaule et sa bouche un plus longuement posée sur ma joue, comme un signe de proximité particulier, de complicité. Perturbé par mon présent à vivre, je lui dis que "oui", je l'appellerai. J'en avais aussi besoin. Je lui indique également qu'il faut qu'il reprenne ma tête en main, je me trouvais si moche. Il sourit, me prend le bras et me rassure en disant que je disais n'importe quoi mais qu'il m'attendait, sourire aux lèvres, regard profond. Mais j'ai repoussé. J'ai dû encore digérer mon présent pour me sentir complètement disposé et par peur d'un nouvel échec, je ne voulais rien précipiter, il le savait. Il respectait.
Depuis quelques jours, je pensais qu'il était en vacances, il n'était pas là quand je passais devant le salon et pourtant il fallait qu'il me refasse ma tête, j'en éprouvais le besoin. Et j'avais aussi envie, besoin, de le revoir, pour que nous puissions échanger à nouveau.
J'ai appelé le salon ce matin pour prendre rendez-vous ce soir. On me dit au téléphone qu'il ne serait pas là ce soir. Et on me propose un autre coiffeur. Dont acte, je ne peux pas attendre. Je ne me sentais pas très bien, sans raison apparente, un pressentiment.
Un de ses collègues qui me connait, vient vers moi et m'annonce.
Jeff est mort, son corps est enterré aujourd'hui même. Il est mort la semaine dernière, le lendemain après l'avoir vu. Rupture d'anévrisme.
Je ne réponds pas. Mon cœur ne comprend pas. Mon corps ne réagit pas tout de suite, encaissant un nouveau choc. Puis je comprends.
Un livre d'or est posé sur une table. Sa photo est discrètement posée à l'endroit où il coiffait. Ses collègues sont adorables avec moi. Je me fixe dans le miroir et je vois ses yeux à plusieurs moments. Puis ils disparaissent perdues dans les nuées de mes larmes qui coulent enfin. Et j'en veux à un moment à la vie. Injuste. Je me demande pourquoi?
Samedi dernier, je disais à un de mes meilleurs amis que j'avais le pressentiment que la mort rodait autour de moi et que j'allais apprendre des mauvaises nouvelles. Quelques jours plus tard, j'apprenais la disparition de la grand-mère de mon meilleur ami, effondré, terrassé par cette perte. Je sais à quel point il l'aimait. Je la connaissais pas procuration. Cette nouvelle m'a attristé parce qu'elle touchait un de mes proches.
Et aujourd'hui, on enterrait Jeff.
Mais je suis toujours là, spectateur et dans la douleur.
Je pense à toi ce soir. Le silence de ta perte crie mon chagrin. Ton âme est belle, qu'elle repose en Paix.
A jamais.