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Contrastes
14 juillet 2004

Artifice

Le véritable chagrin se porte en silence. J’ai repensé à cette phrase, écrite un soir de solitude, alors que le poids de la nuit m’écrasait la poitrine et oppressait mon cœur. Je repensais à ce soir, perdu dans ma solitude, avec l’envie de crier à la face du monde ma douleur. Mais personne ne pouvait entendre mon cri. Je devais le garder pour moi, mais à quoi bon, puisqu’il me déchirait. Et quand je l’ai écrit ou réécrit, une remarque m’a été faite, soulignant que s’il devait se porter en silence, je devais le garder pour moi. En effet, mais sans doute avais-je envie qu’on l’entende et qu’on me dise : « oui, tu souffres, je sais… » puis, plus tard, « mais, tout le monde souffre, et on s’en fout de ton chagrin ! ». Je ne l’ai pas entendu. Mais je l’ai compris. Et tant mieux. Voilà à nouveau la démonstration de nos propres lois, les règles qu’on devrait pouvoir suivre pour se construire dans la plénitude et dans l’équilibre, mais leur contraire est toujours présent et c’est ce qui rend l’artifice plus enivrant, plus envoûtant. Plus nous cherchons la stabilité et plus nous créons le danger. Non ! Je corrige. Plus je cherche la stabilité et plus je crée le danger. Et quand je suis dans le danger et que j’en ai alors conscience, je rêve de stabilité et de confort. Comme si le danger était inconfortable ? Sans doute. Le danger fait peur mais excite aussi. Puis-je continuer à vouloir être un être sans variations vitales, émotives, émotionnelles ? Je cherche alors ce qui me rendrait le plus heureux ou le moins malheureux, au moins. Je m’interroge sur le désir, ou pis, sur le besoin de provoquer l’équilibre, comme si le déséquilibre serait ce qui provoquerait en moi le plaisir, par la douleur peut-être ou par le risque, sans doute. J’ai beau lire et relire les quelques pages du passé, et analyser les images fixées dans une mémoire imparfaite et troublée par les nuages de mon inconscient, qui ont donné des reflets de la réalité sans en décrire vraiment la vérité, je ne vois pas ce qui pourrait me pousser à rester stable, à vouloir cet équilibre, à m’inspirer de l’expérience des autres pour en dégager un calque à nouveau imparfait qui ne correspondrait pas à ma nature, à mes attentes, à mes envies, à mes besoins, à ma réalité, à ma vérité, celle qui pourra réellement m’aider à vivre dans le respect, la tolérance et la liberté. Ah oui, j’avais presque oublié…et l’amour dans tout ça ? Lequel ? Eros, philia ou agapè : l’amour dans le désir, charnel ? L’amour de l’autre, sans intérêt particulier , avec détachement, par essence, humain ? L’amour fraternel, celui qui nous donne en vie de chérir, l’amour-amitié, différent d’eros et de philia, peut-être le plus pur et le moins hypocrite, celui qui comprend le moins de risque. D’ailleurs de l’agapè grec, le latin l’a traduit en « caritas » , la charité. Ces trois amours m’inspirent, je n’ai envie d’en perdre aucun mais je ne me sens pas non plus être le maïeuticien d’un bonheur ou d’un plaisir que je ne pourrais, à force de puissance et d’excès, contrôler à défaut de maîtriser et qui mènerait à ma propre perte, de façon prématurée. Car tôt ou tard, cette échéance arrivera , celle où il me faudra, bien malgré moi, faire les comptes, dresser un bilan , feuilleter à nouveau ces lourdes pages empoussiérées d’écrits et de restes que je ne voulais pas ou plus voir, ceux qui hantent mes nuits, qui taraudent mon inconscient et que je ne comprends, à ce jour, pas. Mais l’heure n’est pas encore proche. Il se fait tard. Je poursuis mon chemin. Je le suis, tout simplement. Il est fait d’obstacles et de contradictions, de contraires, de lueurs, de lumières, d’espoir aussi. Et pendant que je continue à avancer en surfant sur les courbes de l’histoire, je repense à ce jeune homme qui écrivait un soir de solitude : « Le véritable chagrin se porte en silence ».
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